La technique d'analyse de l'ADN environnemental

Modifié par Mirnabousser

Aujourd'hui, il existe quatre types principaux d’applications en lien avec l'ADNe :

  • l’étude de la biodiversité (catalogage des espèces, suivi dans le temps, analyse des fonctions biologiques, etc.) ;
  • le suivi ciblé de certaines espèces (notamment des espèces menacées, invasives ou bioindicatrices) ;
  • l’estimation de l’abondance relative d’espèces dans un milieu donné ;
  • la reconstruction de régimes alimentaires en analysant l’ADN contenu dans des excréments.

Dans certains milieux, comme les sédiments et les environnements très froids, l’ADNe est préservé pendant de longues périodes, ce qui permet de remonter le temps. Des chercheurs ont ainsi étudié des organismes unicellulaires de la rade de Brest sur une période de 1 400 ans, faisant ressortir l’impact de la Seconde Guerre mondiale et des changements récents de pratiques agricoles sur ces organismes. 

Le record d’utilisation d’ADNe en paléoécologie a été repoussé début décembre 2023 grâce à des échantillons de pergélisol (sol "gelé") du Groenland, qui ont permis de reconstituer un paléo-écosystème d’environ deux millions d’années !

Organigramme récapitulatif des étapes nécessaires à l’analyse de l’ADN environnemental et des limites associées. Source : d’après Paul Castagné et Garance Castino, planet-vie.ens.fr.

L’ADNe présente également de nombreux avantages pour l’étude des espèces actuelles :

  • son prélèvement est non invasif, ce qui évite de perturber les milieux étudiés, et très simple ;
  • le travail de terrain correspondant nécessite peu de matériel et de formation, il permet d’accéder à des lieux inadaptés aux observations directes, peut être greffé facilement sur des expéditions déjà prévues par ailleurs et reste découplé du travail d’analyse ;
  • il est beaucoup moins coûteux et contraignant que les méthodes d’observation classiques, il permet de multiplier les prélèvements et ouvre des possibilités de surveillance à large échelle spatiotemporelle ;
  • les méthodes d’analyse se prêtent elles aussi à cet élargissement, car mutualiser le traitement de nombreux échantillons génère des économies à grande échelle.

Aussi prometteuse soit-elle, l’utilisation de l’ADNe a cependant des limites :

  • détecter l’ADN d’un individu n’équivaut pas à détecter sa présence. Cela ne dit rien de son état de santé, de sa taille ou de son stade de développement, autant d’informations qui ne restent accessibles que par des observations directes ;
  • cela n’informe pas forcément non plus sur sa localisation exacte, puisque l’ADN peut être transporté dans l’environnement. Dans les cours d’eau, les espèces peuvent ainsi laisser des traces sur plusieurs kilomètres en aval de leur position réelle ;
  • il faut pouvoir trouver suffisamment d'ADNe. Tous les organismes ne libèrent pas de l’ADN de façon comparable dans leur environnement et, selon la fragilité de la structure contenant l’ADN et les conditions du milieu (notamment de pH et de température), l’ADNe peut être dégradé plus ou moins rapidement. Une absence d’ADN ne veut donc pas forcément dire que l'espèce recherchée est absente. À l’inverse, de l’ADN peut facilement contaminer des échantillons, qu’il vienne des expérimentateurs et de leur matériel ou d’une autre source. Des restaurants ou des marchés en zone côtière peuvent par exemple conduire à la détection d’ADNe de poissons ne vivant pas sur place

Cette analyse a enfin des limites technologiques. Les techniques de traitements biomoléculaires et informatiques génèrent leurs propres biais. Au-delà du caractère incomplet des bases de données, l’amplification par PCR n’est pas aussi efficace sur toutes les séquences d’ADN et, selon les codes-barres choisis et la façon de les détecter, des résultats "faux négatifs" ou des "faux positifs" peuvent apparaître, ce qui est difficile à surveiller au cas par cas dans les analyses à grande échelle.

Ajoutée aux biais d’échantillonnage, cette variabilité de l’amplification limite la pertinence de l’ADNe comme outil de quantification. Chaque étude de ce type nécessite des vérifications méticuleuses pour s’assurer que les résultats obtenus via ADNe sont comparables à ceux obtenus en comptage manuel. Enfin, le séquençage lui-même peut aussi être source d’erreur.

La résolution de ces problèmes techniques est un enjeu central pour les équipes s’intéressant à l’ADNe. Plusieurs projets de recherche visent ainsi à réduire les incertitudes d’analyse, notamment en standardisant les protocoles, en alimentant les bases de données et en répertoriant des codes-barres moléculaires pertinents, ce qui présage des améliorations à venir.

Pour reprendre la formulation utilisée par Sam Chew Chin, doctorant étudiant les populations de poissons via l’ADNe, cet outil peut être considéré comme un "nez génétique", une "nouvelle façon de sentir la biosphère". Il ne permet pas de tout détecter de façon parfaite, mais il ouvre des possibilités qui, combinées aux autres approches, ne pourront qu’améliorer notre compréhension de la biodiversité.


Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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